mai 18, 2024

CHRONIQUE – TCHAD : Vers un retour des vieux démons ?

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Il y a moins d’une semaine, le président de la transition tchadienne, Mahamat Idriss Deby Itno, limogeait le général Ahmed Kogri, ancien attaché de défense à Paris et tout puissant patron de l’Agence nationale de sécurité de l’Etat (ANSE) . Désormais, les services de renseignement sont confiés à un de ses proches, Ismaël Souleymane Lony, son ancien secrétaire particulier.
Hier seulement, le calendrier de l’élection présidentielle était publié, le premier tour devant avoir lieu le 6 mai prochain. Ce matin du mercredi 28 février 2024, de violents combats ont eu lieu au niveau des locaux de l’ANSE. Plusieurs morts ont été dénombrés.

Les Autorités mettent en cause des éléments du Parti socialiste sans frontières (PSF) de Yaya Dillo, qui aurait “conduit lui-même l’attaque”. M. Dillo, cousin du président de transition, Mahamat Idriss Déby, avait annoncé hier l’assassinat du chargé des finances de son parti, Abakar Torabi. Ce matin, il dément toute implication dans l’attaque contre la Cour suprême et dénonce une “mise en scène” à propos des événements en cours.

Quelle lecture faire de ces événements troublants à trois mois du scrutin présidentiel ?

Le limogeage du général Kogri de l’ANSE – qui prend la place de Lony au secrétariat particulier du Président MIDI – n’a pas fait que des heureux. La nécessaire reprise en main des services de renseignement par son remplaçant risque d’être contrariée par des dissensions et des clivages internes.

Au plan politique, Mahamat Idriss Deby Itno (MIDI) peut compter sur le soutien de plus de 200 partis, dont le Mouvement patriotique du salut (MPS) qui l’ont désigné comme leur candidat à une élection présidentielle qui semble déjà pliée, d’autant plus que le principal opposant, Succès Masra est devenu, depuis quelques mois, le Premier ministre du gouvernement de la transition.

Depuis des mois, Ndjaména redoutait plutôt des tentatives de renversement du régime venant du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), l’une des principales rébellions tchadiennes qui a refusé de se signer l’Accord de paix de Doha en août 2022 entre le gouvernement de transition et les mouvements politico-militaires. Mais ce mouvement dirigé par Mahamat Mahdi Ali est affaibli par l’arrestation de son chef d’état-major général Tahir Wodji, en octobre dernier, puis livré au pouvoir tchadien par les hommes du général libyen Haftar ; l’ultimatum lancé, le 17 octobre 2023, par le gouvernement libyen aux leaders de la rébellion tchadienne pour qu’ils quittent le pays ; le repli opéré par le FACT avec armes et bagages dans le « no man’s land » situé à la frontière commune entre le Tchad, le Niger et l’Algérie et la Libye, une zone de non-droit appelé la passe de Salvador et que personne ne contrôle ; enfin, le ralliement au pouvoir de transition au Tchad de Bahr Bechir Kindji, ancien prisonnier de guerre nommé secrétaire général adjoint du Fact, trois mois après avoir été gracié par le président Mahamat Idriss Déby,

C’est dire donc que la situation politique au Tchad risque de se dégrader, au fur et à mesure que la date fatidique du 6 mai approche. Entre acteurs politiques et intérêts politico-militaires, il y a de fortes craintes que le semblant d’apaisement du front social (avec la participation aux affaires du charismatique leader Succès Masra) ne peut pas faire oublier.
Le président Mahamat Idriss Deby Itno a, certes, toutes les cartes en main. Mais il devra, face aux menaces latentes de forces centrifuges en recomposition, mais aussi aux groupes rebelles aux aguets dans le « no man’s land » évoqué plus haut …

En attendant d’avoir toutes les informations sur l’attaque de ce jour, que certains ont vite fait d’interpréter comme un coup d’Etat avorté, il revient au nouveau patron du Renseignement, Ismaël Souleymane Lony, d’imprimer sa marque.

Karim DIAKHATE
Directeur de publication du magazine LE PANAFRICAIN

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