octobre 19, 2024

MAURITANIE – MOHAMED OULD CHEIKH GHAZOUANI : Le plébiscite du mérite

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Le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh Ghazouani a été réélu à la tête de l’État à l’issue du scrutin national du samedi 29 juin dernier, en obtenant plus de 56 % des voix, devant six candidats de l’opposition. Une victoire attendue car le président, ancien chef de l’armée, est reconnu pour avoir instauré la stabilité depuis sa première élection il y a cinq ans, après des décennies de troubles politiques et de coups d’État fréquents.

En prenant, en février dernier, la présidence tournante de l’Union africaine, pour l’année 2024, le chef de l’État Mauritanien ouvre un nouveau chapitre d’une carrière qu’il mène sans grand bruit. Il succédait ainsi au président des Comores, Azali Assoumani. Soutenu à l’unanimité dans la région Afrique du Nord, le nouveau président en exercice de l’UA hérite de dossiers importants, dans un contexte géopolitique et sécuritaire particulier.

Allié à des partenaires occidentaux tels que la France et les États-Unis, le président Ghazouani a également maintenu des liens avec des pays voisins dirigés par des militaires, notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui se sont rapprochés de la Russie au cours des dernières années. La Mauritanie a largement évité les insurrections islamistes qui touchent les États voisins du Sahel.

Le mandat du Mohamed Ould El-Ghazouani à la tête de l’institution panafricaine arrive dans un contexte où le continent fait face aux nombreux obstacles à son développement tels que l’insécurité, les changements anticonstitutionnels de gouvernement, la recrudescence des épidémies, les inégalités, le changement climatique, la hausse du coût de la vie, entre autres. Pour ce nouveau mandat à la tête de l’Union africaine, le président El-Ghazouani s’est engagé en faveur de l’atteinte des objectifs fixés dans l’Agenda 2063. Dès son élection à la tête de l’UA, Ghazouani avait annoncé la couleur en déclarant que « l’escalade des changements anticonstitutionnels en Afrique constitue une violation sans précédent de la démocratie et une menace sérieuse pour la stabilité des institutions du continent ». Il appelait ainsi les dirigeants africains à « adopter leurs propres mécanismes de résolution des conflits et à donner la priorité à la consultation pour surmonter nos difficultés et apporter des solutions appropriées à nos différends, à l’abri de toute ingérence extérieure, conformément au principe selon lequel les problèmes de l’Afrique sont résolus par les Africains eux-mêmes ».

En prenant le flambeau des mains du Comorien Azali Assoumani, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani se présente en homme de consensus, sans doute le candidat idéal pour reprendre le fil du dialogue avec les régimes ayant accédé au pouvoir par un coup d’État, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, et purgeant une suspension de l’organisation panafricaine. Dans son allocution prononcée lors du 37è sommet de l’UA, à Addis-Abeba, il avait présenté les grands enjeux de l’organisation pour l’année 2024 tels que la modernisation de l’éducation, l’approfondissement de la zone de libre-échange africaine, la réalisation de la sécurité alimentaire, etc.

Le président mauritanien avait évoqué aussi l’explosion des foyers de violences en Afrique, notamment la guerre civile au Soudan, l’escalade militaire entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) et la situation préoccupante dans la Corne de l’Afrique, autant de crises auxquelles l’UA n’arrive pas à trouver les solutions idoines.

« La région du Sahel est l’une des zones les plus exposées du continent à ces risques », estime Mohamed Ould Cheikh Ghazouani. Certains observateurs ont d’ailleurs expliqué le peu d’entrain du président Mauritanien à prendre la présidence tournante de l’UA par la crise actuelle au niveau de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), avec l’annonce par le Mali, le Burkina Faso et le Niger de leur retrait.

Après les efforts accomplis par son prédécesseur à la tête de l’UA, notamment dans ses tentatives de médiation avec les putschistes, le président mauritanien est, assurément, l’homme qu’il faut pour faire bouger les lignes. Son pays, la Mauritanie était membre intégrante de la CEDEAO jusqu’en 2000, avant de rejoindre l’Union du Maghreb arabe (UMA). Il ne fait aucun doute, comme l’assure un diplomate mauritanien, que « de tous les chefs d’État du continent, Ghazouani est celui qui connaît le mieux la menace terroriste et les dynamiques au Sahel. Il est capable de parler à tous les acteurs ».

Durant toute sa carrière, la lutte contre le terrorisme constitue l’une des principales activités de Mohamed Ould Ghazouani. D’abord en tant que chef des renseignements, chef d’état-major de l’armée, ministre de la défense puis président de la République depuis le 1er août 2019. Fait notable, la Mauritanie fait figure d’exception en matière d’éradication du terrorisme, le pays n’ayant enregistré aucun attentat islamiste depuis treize ans. Dès son accession à la magistrature suprême, il promeut une diplomatie apaisée avec ses partenaires internationaux et s’affirme comme partenaire privilégié des Occidentaux dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, où la Mauritanie continue à faire figure d’exemple pour sa stabilité dans la sous-région.

Le président Mohamed Ould Ghazouani, diplômé de l’Académie royale militaire de Meknès, au Maroc, est titulaire d’une maîtrise en administration et en sciences militaires, avec plusieurs qualifications et formations militaires. Il a gravi les échelons de l’armée dans l’ombre du président Mohamed Ould Abdel Aziz, son prédécesseur, qu’il accompagna lors du coup d’État de 2008. Aide de camp du président Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya, de 1987 à 1991, Mohamed Ould Ghazouani a effectué, au début des années 1990, une formation de cavalerie en Irak, avant de diriger, à son retour au pays, le bataillon des blindés. Il devient ensuite chef du deuxième bureau de l’armée mauritanienne, chargé des renseignements militaires. Le 6 août 2008, Ghazouani est nommé Chef d’État-Major des Armées. Puis quelques mois plus tard, Directeur Général de la Sûreté Nationale dans le nouveau gouvernement d’Abdel Aziz.

Longtemps considéré comme la marionnette d’Aziz, du fait de son caractère réservé, Ghazouani a très vite pris ses marques et révélé son véritable tempérament. Moins d’un an après son arrivée au pouvoir, le nouveau président a procédé à un coup de balai important au sein de la précédente administration. A l’issue d’un procès très médiatisé, l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz sera condamné, en décembre 2023, à cinq années d’emprisonnement pour « enrichissement illicite » et « blanchiment ». En juin, Mohamed Ould Ghazouani devra remettre son mandat en jeu lors de l’élection présidentielle. Il se présente en favori après la large victoire de son parti, El Insaf (le Parti de l’équité), aux élections législatives de 2023, qui l’ont vu rafler 107 des 176 sièges à l’Assemblée nationale.

Dans ses habits de président en exercice de l’Union africaine, Mohamed Ould Ghazouani est à l’aise, en faisant valoir ses atouts d’homme du rang pour discuter avec les présidents du Mali, du Niger, du Burkina désormais réunis dans l’Alliance des États du Sahel. Cela d’autant plus qu’à une période récente, la Mauritanie était engagée avec ces pays, en plus du Tchad, dans la défunte force conjointe du G5 Sahel. La Mauritanie, qui n’a pas été affectée par le terrorisme de la même manière que les autres pays de la coalition, est restée à l’intérieur de ses frontières dans une posture défensive, abritant le siège du Secrétariat permanent du G5 Sahel ainsi que le Collège de défense de l’organisation, une école de guerre dont la mission consiste à former et préparer les cadres militaires des pays membres.

À cela s’ajoutent les dissensions entre les pays membres. La Mauritanie a été accusée à tort ou à raison par le Mali d’avoir noué un pacte de non-agression avec les organisations terroristes. Avant les coups d’État intervenus récemment au Mali et au Niger, Niamey reprochait aussi à Bamako de n’être pas capable d’empêcher les groupes terroristes d’ériger en sanctuaires les espaces proches de la frontière avec le Niger. Mais, il est vrai, les problèmes du continent ne se limitent pas à la zone du Sahel.

A l’heure actuelle, la paix et la sécurité représentent de grandes préoccupations au Soudan, en Libye, dans la Corne de l’Afrique et la région des Grands Lacs. Il doit donc user des meilleurs atouts, au plan diplomatique, pour pouvoir arriver à gérer les situations en Afrique.

La participation de l’Union africaine au G20, la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, où l’Afrique veut au moins avoir deux places, la mise en œuvre effective de la ZLECAf, sont autant de dossiers qui requièrent beaucoup de doigté, dans un contexte particulier pour le président en exercice qui est candidat à sa propre réélection dans quelques semaines dans son pays. Une situation qui avait fait dire à certains que la présidence mauritanienne allait être une présidence assez compliquée du fait que le président sera beaucoup plus orienté à faire une campagne électorale au niveau du pays qu’à s’occuper des affaires africaines.

Dans le discours qu’il a prononcé, à la tribune de l’UA, Mohamed Ould Ghazouani avait beaucoup insisté sur le thème de l’année, c’est-à-dire la modernisation de l’éducation en Afrique. Il faut faire en sorte que ces systèmes éducatifs puissent produire les ressources humaines dont l’Afrique a besoin pour les années à venir. Parmi ses priorités, travailler dans l’approfondissement de la ZLECAf, la Zone économique de libre échange africaine, qui commence à prendre forme, surtout s’il est vraiment préoccupé par la modernisation et l’approfondissement des relations économiques entre les États africains. Le président Ghazouani peut jouer un rôle important dans la crise au Soudan, la Mauritanie ayant d’excellents rapports avec les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite.

Le nouveau président de l’Union africaine, Mohamed Ould Ghazouani, a affiché également une vision claire pour l’Afrique durant son mandat. Pour cela, il cible trois priorités : promouvoir l’influence du continent sur la scène mondiale, réaliser une révolution éducative et freiner les entraves au développement socio-économique. Afin de construire une Afrique intégrée, prospère et en paix conduite par ses propres citoyens, le dirigeant Mauritanien compte notamment s’attaquer aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, aux conflits, aux inégalités et à la sous-scolarisation.

Il veut s’inspirer des politiques ambitieuses définies par ses prédécesseurs pour continuer de bâtir le développement durable de l’Afrique. “ Nous devrons davantage recourir à nos propres mécanismes de règlement des conflits et toujours privilégier la consultation pour surmonter nos difficultés.” Concernant l’objectif de l’Union africaine d’améliorer l’éducation en Afrique en 2024, le président El-Ghazouani regrette le manque de compétences chez des jeunes et se donne pour leitmotiv une révolution éducative sur le continent à travers des formations de qualité. “ Il incombe à nous tous, gouvernements, sociétés civiles et acteurs de divers secteurs, de redoubler d’efforts en matière de sensibilisation et de mobilisation des ressources humaines, techniques et financières pour amorcer une révolution éducative. ”

Dans sa stratégie de développement pour l’Afrique, le président Mohamed Ould El-Ghazouani entend également poursuivre la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine, la deuxième phase du Programme pour le développement des infrastructures en Afrique, les projets de renforcement des capacités agricoles et de marché électrique continental, dans le cadre du deuxième plan décennal 2024-2034 de mise en œuvre de l’Agenda 2063.

Le président en exercice de l’UA, Mohamed Ould Cheikh Al-Ghazouani, qui a magnifié le soutien et l’engagement des institutions en faveur de l’Afrique, en particulier leur détermination à trouver des « solutions africaines aux problèmes africains » (ASAP) tout en poursuivant les objectifs de développement durable, a approuvé l’appel lancé par le Président Nana Akufo-Addo aux gouvernements africains pour qu’ils investissent un minimum de 30 % de leurs réserves souveraines dans les institutions multilatérales africaines. L’objectif ainsi visé étant de renforcer ces institutions pour qu’elles puissent mieux servir le continent.

Karim DIAKHATÉ

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