octobre 18, 2024

BÉNIN – Une tentative de « coup d’État » sur fond de guerre de succession

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Arrêtés en début de semaine, deux proches du président Patrice Talon sont soupçonnés d’avoir voulu le renverser dans un contexte de guerre des clans au sein du pouvoir. Trois jours après les arrestations musclées de plusieurs personnalités, dont un homme d’affaires proche du président Patrice Talon, un ancien ministre des Sports et un commandant de la garde républicaine, la justice béninoise dévoile les premiers éléments de l’enquête.

Les trois hommes sont soupçonnés d’avoir planifié un « coup d’État » : c’est ce qu’a révélé hier Elonm Mario Metonou, le procureur de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme au Bénin (Criet). Parmi eux, Olivier Boko, ami intime, partenaire d’affaires du président Talon, avec lequel il a fait fortune dans le commerce du coton et des intrants agricoles. Du moins jusqu’à très récemment. En effet, selon plusieurs sources, il serait tombé en disgrâce ces derniers mois pour avoir affiché ses ambitions politiques à l’approche de la présidentielle de 2026. Ce qui aurait déplu à l’actuel chef de l’État, qui ne peut se représenter selon la Constitution béninoise, laquelle fixe à deux mandats la limite de l’exercice présidentiel.

Une enquête a été ouverte, a indiqué la Criet, afin d’« identifier toutes les personnes impliquées » dans la tentative de coup d’État. Le colonel Djimon Dieudonné Tévoédjrè, commandant de la garde républicaine, a, en revanche, été libéré.

Les faits reprochés à Olivier Boko et Oswald Homeky

Selon le procureur de la Criet, Olivier Boko aurait tenté de corrompre le patron de la garde républicaine avec l’aide de l’ancien ministre béninois des Sports. « Il apparaît que le commandant de la garde républicaine ayant en charge la sécurité du chef de l’État a été entrepris par le ministre Oswald Homeky pour son compte et celui de M. Olivier Boko à l’effet d’opérer par la force un coup d’État dans la journée du 27 septembre 2024 », a déclaré le procureur de cette cour spéciale, diffusant sur un écran des images d’un compte bancaire créditeur de plus de 100 millions de francs CFA au nom de l’officier ouvert par les intéressés et de billets de banque dans un coffre de voiture.

Oswald Homeky, ancien ministre des Sports, avait démissionné de son poste en 2023 après avoir appelé à soutenir la candidature d’Olivier Boko pour succéder à Patrice Talon. Il a été interpellé dans la nuit de lundi à mardi aux alentours d’une heure du matin alors qu’il donnait six sacs de billets de banque à Djimon Dieudonné Tévoédjrè, le commandant de la garde républicaine, selon la Criet. C’est lors de cette remise « d’un milliard cinq cents millions de francs CFA (un peu plus de 2 millions d’euros) que la brigade criminelle a procédé à l’interpellation de M. Oswald Homeky et du commandant de la garde républicaine », a ajouté le procureur. L’homme d’affaires béninois Olivier Boko, ami de longue date du président Patrice Talon, a également été arrêté dans la nuit de lundi à mardi à Cotonou, la capitale économique du Bénin, d’après ses proches et la Criet.

Guerre de succession

Devant la presse mardi, un collectif d’avocats a réclamé la libération immédiate d’Olivier Boko et a dénoncé un « enlèvement ». « À l’heure où nous tenons le présent point de presse, il n’est possible ni à sa famille ni à nous-mêmes ses avocats de savoir où et dans quel état se trouve M. Boko, sans doute privé d’aliments et surtout de ses médicaments », a indiqué le collectif d’avocats. « Cette violation flagrante des dispositions élémentaires de la procédure pénale se produit dans un contexte où M. Boko ne fait l’objet d’aucune procédure judiciaire, pas plus qu’il n’a été visé auparavant par une convocation et encore moins par un mandat d’amener ou d’arrêt », ont déclaré les avocats.

À la suite de l’arrestation d’Olivier Boko, le groupe de soutien à sa candidature à la présidentielle de 2026, Objectif Bénin 2026 (dont l’abréviation OB26 rappelle les initiales de l’homme d’affaires), a également dénoncé dans un communiqué publié mardi « une atteinte grave aux droits fondamentaux », un « acharnement politique clair » et des « méthodes répressives inacceptables ». Ces arrestations interviennent dans un contexte de lutte de pouvoir pour la succession du président Patrice Talon, qui arrivera en 2026 au terme de son second mandat. Elles ne sont pas sans rappeler les arrestations très médiatisées de l’opposante Reckya Madougou, qui purge depuis 2021 une peine de vingt ans de prison pour « terrorisme », et du constitutionnaliste Joël Aïvo, inculpé également par la Criet en 2021 puis condamné à dix ans de prison pour blanchiment de capitaux et de complot contre l’autorité de l’État.

Le Point Afrique

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